Mercredi, le comité exécutif de la Fédération française de football se prononcera sur le potentiel passage d'une Ligue 2 à vingt-deux clubs. Les textes le permettent et la LFP a validé la semaine dernière cette option, qui permettrait les maintiens du Mans (19e) et d'Orléans (20e) tout en autorisant les promotions de Pau et Dunkerque, respectivement 1er et 2e de National 1. S'il n’est pas directement concerné avec l'AJ Auxerre, qui a bouclé l'exercice à la 11e place, Alexandre Coeff a un avis bien tranché sur la question. Selon lui, ce principe d'une Ligue 2 à vingt-deux serait injuste s’il n'était appliqué qu'au deuxième échelon national.
MadeinFOOT : Comment avez-vous géré le confinement, et plus globalement l’arrêt de la compétition ?
Alexandre Coeff : "Je suis malheureux sans le foot. J’arrive à trouver des exutoires à l’extérieur, mais ça ne tient qu’un moment… Il y a eu une enquête du syndicat (la FIFpro, ndlr) sur la santé psychologique des joueurs. A Auxerre, le club a mis à disposition des outils et des personnes qui aident à traverser cette période. On a une préparatrice mentale - qui est la femme du coach, mais ça n’a rien à voir, elle est la meilleure dans son domaine - qu’on peut appeler quand on veut."
Cette enquête rapportait que plusieurs joueurs étaient en état de dépression. C’est votre cas ?
"Je n’irais pas jusqu’à parler de dépression, parce que c’est un mot très fort et des gens en souffrent. Je ne dirais pas non plus que le footballeur n’a pas le droit de se plaindre, mais, pour mon cas personnel, je trouve que le mot est fort. Je suis malheureux. Le terrain, la vie de groupe, les supporters, la compétition... Tout ce qu’il y a autour du foot me manque."
Vous êtes au chômage partiel depuis le mois de mars à l’AJ Auxerre. Y a-t-il eu une baisse de salaire supplémentaire négociée avec le club ?
"Oui, on a trouvé un accord pour alléger les charges du club, étant donné qu’il n’y avait pas de rentrée d’argent."
Vous avez donc suivi l’accord qui avait été trouvé entre le syndicat des joueurs (UNFP) et les clubs professionnels…
(il coupe) "On a appris ces accords entre le syndicat et les clubs sans avoir été consulté, ni informé. On a reçu un texto de l’UNFP qui nous annonçait qu’un accord était proche, mais on ne nous a jamais rien demandé. J’ai regretté ce manque d’unité. Le football s’est déchiré et continue de le faire, d’ailleurs. Mais heureusement, à Auxerre, on a un président (Francis Graille, ndlr) très compétent et très compréhensif, qui avait pris les devants et anticipé tout ça. Tout s’est fait naturellement et de la meilleure des façons."
L’arrêt définitif des championnats en France était-il prématuré selon vous ?
"Je pense qu’on s’est précipité, dans une panique collective qui est à l’image de notre société. Aujourd’hui, à l’exception des restaurateurs et patrons de discothèques, tout le monde reprend. Pourquoi pas nous ? Mon sentiment, c’est que la société ne doit pas s’arrêter, mais s’adapter. Pourquoi nous, les footballeurs, qui avons envie d’être des exemples, ne reprendrions pas ? Les Allemands l’ont fait, les Espagnols vont le faire et ce sera sûrement pareil pour les Anglais et les Italiens. L’avenir nous dira si on avait raison."
Cette saison tronquée profite au RC Lens, votre club formateur, champion de L2 et promu en Ligue 1.
"Je suis vraiment hyper content pour eux, parce que je sais ce que ça représente pour le club et surtout pour la région. La plupart de mes amis sont dans le Nord-Pas-de-Calais, donc je vois les conséquences. Mais je trouve ça un peu injuste ; sur les cinq dernières années, si tous les championnats s'étaient arrêtés à dix journées de la fin, entre la descente avec le Gazélec et les montées ratées avec Brest, j’aurais connu cinq saisons en L1. À côté de ça, il y a des équipes comme Troyes ou l’AC Ajaccio, qui étaient en embuscade, donc je peux comprendre leur frustration. Dans tous les cas, il n’y avait pas de décision juste à partir du moment où la saison n’allait pas à son terme."
Il fallait aller au bout, coûte que coûte ?
"Il y a eu de très bonnes réflexions, comme celle de redémarrer en septembre, puis reprendre la saison prochaine en janvier. Je ne dis pas que c’était la meilleure, parce qu’il y aurait eu des conséquences derrière. Mais ça aurait permis de finir cette saison et de préparer la prochaine dans les meilleures conditions sanitaires. C’était peut-être le moment de s’adapter. Ça valait le coup de se poser la question plus longtemps."
Quel est votre avis sur le potentiel passage de la Ligue 2 à vingt-deux ?
"Ce qui me fait rire, déjà, c’est la manière dont la Ligue a voulu faire croire qu’elle décidait. En fait, c’est la Fédération. Si (Noël) Le Graët dit 'c’est vingt, allez tous vous faire voir', c’est vingt et point barre. Même si c’est une question de textes qui doivent être vieux comme le monde, pourquoi faire une Ligue 2 à vingt-deux et pas une Ligue 1 à vingt-deux ? Si on le fait avec certains, pourquoi pas avec d’autres ? Je pense par exemple au Gazélec Ajaccio, qui descend en National 2 et qui est très proche de déposer le bilan - heureusement que le club est fait de passionnés. Aujourd’hui, on irait sauver Le Mans et Orléans, mais pas Ajaccio et Béziers, qui ont aussi un statut professionnel et qui pourraient être amenés à disparaître à cause de ça. Je trouverais cela injuste, aussi, pour Amiens et Toulouse, qui, sur le plan sportif, ne méritaient pas une relégation, puisqu’il restait dix matchs à jouer. Aujourd’hui, on leur dit : ‘vous descendez et vous n’avez aucun recours'. C’est ce que je disais tout à l’heure ; il n’y a aucune décision juste."
Cette décision serait-elle juste, cependant, pour ceux qui en bénéficieraient ?
"Mais s’il y avait une L1 à vingt-deux et une L2 à vingt-deux, sans descente, seulement avec des montées (cela donnerait en l’occurrence une L1 à vingt-deux et une L2 à vingt, ndlr), qui ne serait pas content ?"
Même si elle s’est terminée brusquement, quel bilan tirez-vous de votre première saison à Auxerre ?
"On a un groupe qui s’est découvert, avec un nouveau coach et un nouveau staff, donc on savait qu’il allait falloir du temps. Des choses se sont mises en place et, maintenant, on a des certitudes. C’est bien, même si je pense qu’on aurait fini en bombe sur les dix derniers matchs. On va avoir du mouvement cet été, parce qu’on a beaucoup de joueurs en fin de contrat (Adéoti, Boucher, Yattara, Youssouf, Barreto, ndlr), mais un noyau va rester autour des valeurs du coach."
Sur le plan personnel, vous avez réussi à rebondir après une saison 2018-2019 compliquée (fin de contrat à l’Udinese, expérience délicate à Larisa en Grèce, maintien en L2 raté avec le Gazélec).
"Je pense que si on était allé au bout je n’aurais pas été loin de la saison pleine (26 matchs toutes compétitions confondues, tous comme titulaire, ndlr). J'ai eu la sensation d’avoir commencé un peu en-deçà de ce qu’est le vrai Alexandre, mais j’ai été en nette progression tout au long de l’année. Je pense même avoir franchi des paliers. Mes statistiques montrent que je n’ai jamais été aussi bon que le joueur que j’étais de novembre à janvier. Je sortais d’une saison compliquée, sportivement et psychologiquement, donc je suis content de cette montée en puissance. Je ne remercierai jamais assez le club et le coach de m’avoir fait confiance."
Vous repartez pour une deuxième saison à l'AJA ?
"On n’est jamais sûr de rien, mais c’est ma volonté. Il me reste un an de contrat et je suis à l'écoute de ce que me proposera l'AJA. Quand on a été amené comme moi à changer de clubs assez souvent et qu’on arrive dans un club structuré, où on a envie d’évoluer, on a envie de s'y poser."
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